Vous avez dit liberté ?

Une journée bien ordinaire pour un honnête citoyen : traqué de toute part comme le lapin pris dans les phares de la voiture.

Bonjour,

Je me lève ce jour-là, je pense immédiatement à la liste à la Prévert de tâches que je dois accomplir aujourd’hui. Dans cette journée ressemblant finalement à n’importe quelle autre.

 

J’allume la radio : vague de froid en France, attention nous dit le journaliste, couvrez-vous et faites attention il y a des risques avec ce froid ! Quels risques, on ne sait pas vraiment mais c’est le premier d’une longue série qui va parsemer la journée.

En même temps on annonce un pic de pollution, donc la vitesse sera réduite, c’est normal la faute de l’homme qui pollue la planète. Le journaliste toujours lui nous explique quelles précautions prendre….

Moi beaucoup plus terre à terre, ce n’est pas bien je sais, je pense aux quelques kilomètres que je dois parcourir aujourd’hui, et je me dis attention à  ne pas dépasser la vitesse, il ne me reste que 7 points, les 5 autres ayant été perdus de-ci de-là pour de petits excès. Chauffard que je suis !

Pendant que je me rase, contrairement à certains qui pensaient à l’Elysée, moi je pense plutôt à savoir où je vais pouvoir me garer. Puisque la plupart des villes prennent des mesures coercitives pour éloigner l’automobiliste pollueur et potentiellement assassin : les montants de parking suivent l’évolution du coût de la vie mais avec une frénésie inimaginable.

Au moment de partir, après m’être assuré que la maison est bien fermée et que rien n’est en vue, avertis que nous sommes d’une recrudescence dans le quartier de vols par effraction. Je réalise que le réservoir est vide, pas le choix direction la station- service la plus proche. Mais même si elle l’est en distance, c’est déjà le parcours du combattant : embouteillage monstre.

Ben oui mon brave monsieur, là où la circulation se faisait sur 2 ou 3 files il y a quelques années, les pouvoirs publics ont raisonné malin pour s’adapter à la doxa dominante : une file pour les bus et taxis, une pour les vélos, une dernière pour le reste c’est-à-dire pour les milliers d’automobilistes. Parlez- en aux Grenoblois pour qui aller au travail depuis quelques mois relève de l’exploit.

Bien tendu,  j’accède donc à la station, ce qui me permet de réaliser que pour notre bien le gouvernement a augmenté massivement le diesel: et oui il pollue le diesel. Ah bon il y a une vingtaine d’années quiconque ne roulait pas au diesel et au filtre à particule était inconséquent ! Comprenne qui pourra.

Bref je tente d’oublier les 1,40 € du prix du litre que je me retrouve sur l’autoroute, un moment souvent privilégié pour écouter un peu de musique, malheureusement entrecoupé de flashs infos tous aussi entraînants les uns que les autres : La Syrie, la réforme de la SNCF, la vitesse à 80 KM/H sur les routes secondaires, balance ton porc…la vie est belle.

Pour m’en convaincre je repense au livre de Michel Serres, montrant chiffes à l’appui, que nous avons de quoi être heureux dans nos sociétés : la violence a massivement baissé en cette fin de 20ème et début de 21…

Sans rentrer dans ce débat qui pourrait devenir houleux, au-delà des chiffres, si tant est qu’on les valide, il y a chez Michel Serre ce sentiment, bien naïf me direz-vous, cette sensation que la violence est là.

Pourtant pas celle que vous évoquez nécessairement, mais plutôt cette forme de violence, sournoise, lancinante, permanente qui harcèle quotidiennement le citoyen  du matin au soir à coups d’interdits.

C’est à ce moment que retentit le bruit strident de mon coyote : j’avais oublié de regarder mon compteur. Heureusement que mon ange gardien me rappelle à l’ordre, les bleus ne sont pas loin. Ils sont là pour notre sécurité !

Pour ceux qui roulent sans regarder dans le rétro, sur la gauche pendant des kilomètres, au régulateur à 129 km/h, en regardant la route de temps en temps concentré à envoyer des textos ou regarder un film, çà, ça ne rentre pas dans les statistiques des délinquants de la route : juste la vitesse et l’alcool.

Je sens que je suis en train de franchir le Rubicon : mes propos commencent à être un brin provocateur. Alors quitte à l’être j’en remets une couche.

Je me suis garé le long du trottoir pour consulter l’adresse de mon client sur mon téléphone, fier que je suis de ne pas le faire en roulant, mais patatras c’est vrai je risque maintenant une contravention et 3 points de retrait sur mon permis, téléphoner même arrêté c’est interdit.

Interdit : je propose que les autorités nous fassent une liste de ce qui est désormais autorisé, avant interdiction, ce sera plus simple et plus court.

C’est d’ailleurs l’objet d’une joute verbale sur les ondes radiophoniques entre le président du syndicat des buralistes et la présidente d’une association qui lutte contre le tabagisme.

Je suis heureusement délivré de ces discussions surréalistes ou le gouvernement nous explique d’un côté par la voie de cette présidente que ce n’est pas bien de fumer, dangereux (vous connaissez la ritournelle) et en même temps se gave avec les taxes des clopeurs, qui n’auront bientôt plus de droit sur leur vie, puisque c’est une affaire de santé publique….

Bref j’arrive chez mon client, je coupe le contacte, et devant moi  sur la vitrine d’un arrêt de bus, je vois une publicité d’un magazine faisant la une sur le bien-être et le bonheur: il ne dépendrait que de nous.

Moi je veux bien mais diable avant de comprendre que le bonheur est en moi, il me faut déjà lutter pour se sortir de toutes ces ondes maléfiques, et ce n’est pas une mince affaire.

Pour conclure cette description je mets de côté :

  • le serveur du restaurant agréable comme une porte de prison mais heureux de me délester de  25 € pour le plat du jour, l’eau et le café ( je ne me risquerais plus à envisager un verre de vin, c’est défendu le midi avant de reprendre la route)
  • une nouvelle et draconienne directive Européenne pour la protection des données privées en entreprise,  un véritable cauchemar, pendant que 2 milliards d’individus exhibent leur (médiocre) existence sur Facebook : vous avez dit bizarre….
  • Data dock, ou comment passer 15 jours à remplir des cases pour l’administration sans jamais pouvoir contacter quiconque, ceci afin de recevoir le sésame de l’administration pour continuer à pouvoir former après 18 années d’exercices…
  • le parcours fléché et non moins insupportable pour obtenir un passeport ….LA VIE quoi.

Le soir venu, au moment de fermer les yeux je revoie ces paysans marocains, au pied de l’atlas, loin de cette invraisemblable frénésie occidentale gardant leurs troupeaux, que j’ai croisés, moi au guidon d’un quad. (je n’ose à peine l’avouer, me déplacer sur un engin roulant à l’énergie fossile aux portes du désert…) :

Finalement ce journal a peut-être raison: le bonheur est en nous, simple comme un rayon de soleil, beau comme ces montagnes enneigées loin de tout et surtout loin de ces normes, process, directives, lois, normes, que sais-je, qui réglementent notre vie jusqu’au tréfonds, bientôt, de notre intimité.

Vous trouverez cette vidéo sur le site mc2f.fr, son contenu sur le blog mc2f et merci de la faire partager autour de vous.

Portez- vous bien.